Les visages sont comme des murs. Parfois les murs font semblant d’être ailleurs. Ils jouent à être d’une autre ville, à porter une autre lumière, à voiler d’autres rues que celles qu’ils voilent encore et l’on peut croire alors, sentir alors que tout est déplacé, que l’espace entier gagne sur la géographie quelque chose ; que le nord, le sud perdent en valeur, et ils faudrait presque dire à nos cartes qu’elles se trompent parce tout dépend de ce que nous disent les murs, de ce qu’ils nous soufflent en ombre portée, de ce qu’ils laissent à entendre ou à voir de l’ailleurs où ils vont, où ils sont, où nous sommes avec eux. Et comment je peux vivre dans mes murs d’ailleurs sans me perdre ? Comment je peux penser trouver refuge dans ce qui est toujours en voyage ? Une sorte d’angoisse a définitivement teinté le reste du monde quand on ne voit plus les murs, les couloirs, les rues comme des passages mais comme des passants, quand on ne peut plus frôler que les ombres des ombres de ceux qui sont déjà loin. Et les visages sont comme des murs, ils font semblant d’être ici et l’on n’embrasse jamais que ce qui n’est plus là, nos lèvres se posent sur des ruines. Si je peux vivre entre des murs, si je peux croire que tout ceci est là où je me trouve, que je suis bien quelque part, alors je dois avoir moi aussi quelque chose de déplacé, je dois avoir laissé quelque part ailleurs un morceau en vestige, on doit se dire peut-être que je suis là sans y être, et alors qu’est-ce que c’est que vivre ?
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