(nausée et fatigue)
mon bureau donne sur une fenêtre
la fenêtre donne sur une route
des oiseaux volent au-dessus
des plantes grimpent sur les bords
de la fenêtre à la route sont des outils
des caisses des boites des objets
laissés morts et qui rouillent
entre toutes les choses d’ici à la route est un silence
on entend les voitures mais ce n’est pas un bruit
on entend le vent mais ce n’est pas un bruit
les choses sont et seront ainsi
de ma chaise rayonne un territoire trop connu
le centre d’un univers observable observé
les chemins ont été tracés avant moi
et j’y ai été ramassé des mures et des prunelles
vers le sud en marchant un quart d’heure
je pourrais atteindre la tombe de ma grand-mère
qu’on appelait « mémé » et qui m’avait offert un grille-pain
qui est encore chez mon père
vers l’ouest en roulant vingt minutes est la mer
et les grues et Siam et là-bas aussi tout a été figé
(un rouge-gorge se pose sur le cadis abandonné)
vers le nord sont les plages où enfant j’allais
les vagues où l’on s’enroule
couette liquide lit paisible de la mer
avec le cousin sur la plage nous faisions des réseaux de rivière
que chaque nouvelle marée balayait
puis nous mangions des crêpes et du sable craquait sous nos dents
vers l’est sont des lieux méconnus
les grandes collines la grande forêt
le grand mystère qu’autrefois j’imaginais là-bas
a été changé en grande loi
à l’est est le départ du bout de la terre
devant moi est la route d’où l’on partait
pour deux semaines
(le camion fait du vent qui brasse notre haie rousse)