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Qu’adviendra-t-il de l’enfant-myriapode et de ses milliards de brisures, de sa chitine fendue sous l’oreille, sous les yeux, sous le nez, sous le bras, sous le ventre ? Les médecins ne savent quoi faire de son corps rachitique et étrangement articulé. Des spécialistes orientaux se succèdent depuis six ans à son chevet, manticorologues, organicistes segmentaires, entomologistes, mais ils restent muets, ou alors murmurent entre eux des paroles incompréhensibles, inarticulés, qui rebondissent sur les murs de la chambre fermée. La biologie stellaire de l’enfant fonctionne même lorsque les volets sont clos et tout tourne autour de son encéphale, orbite circadienne qui détermine son univers entier (sa chambre) et qui influence le large tissu de l’espace et du temps. A la place de ses yeux sont, d’après les études, trois ocelles qui s’ouvrent et se ferment périodiquement en émettant un bruit sec qui met fin à n’importe quelle discussion.

Un mythologue est venu il y a sept mois jusqu’au lit de l’enfant, entre les pattes et les antennes, et a creusé dans la chair pour y trouver on-ne-sait-quelle-origine : il n’y avait qu’un cœur très dense composé à soixante pour cent d’amour parental et à vingt-sept pour cent d’œil bloqué sur les stores du salon de grand-mère (impossible d’identifier les treize pour cent de matière noire restante). Le mythologue a été déçu de ne trouver ni allégorie ni dieux dans les poumons de l’enfant. Ce n’était qu’un poumon tout simple et tout bête, un poumon ouvert qui respirait encore en faisant de la poussière. La poussière elle-même a fait l’objet d’un long examen par un maître alchimiste, discipline de Fulcanelli et de Camillo. Mais, elle n’était pas d’or ou de vrai-argent, elle n’avait pas l’odeur du souffre et n’était la sublimation de rien d’autre que du corps nu, du corps malade de l’enfant et son hydrolyse ne donna rien.

Depuis deux jours, l’enfant est au plus mal et l’on s’affaire autour de lui pour donner le sentiment de maitriser quelque chose. Sa peau d’écorce craque et se casse de manière aléatoire et non-géographique. Les cartographes sont incrédules de faire de manière aussi frontale l’expérience de leurs limites. Un arpenteur a été envoyé aux confins, vers les orteils, avec pour mission de faire des relever topographique précis des nouvelles montagnes et des nouvelles vallées du corps étendu de l’enfant. Il ne reviendra jamais. Tous, nous le savons et si nous regardons à l’horizon, vers les jambes, ce n’est pas pour espérer son retour, mais pour détourner nos yeux de la bouche qui nous surplombe et nous abriter, autant qu’il est possible, des tempêtes régulières de la respiration de l’enfant. Demain, qui sait, un astronome, un atomiste, une oscillogue ou ombrologue réputée pourra nous faire sortir hors des territoires devenus hostiles de l’enfant, hors des plaques vibrantes qui le compose. En attendant, nous subissons les séismes et les volcans avec résignation, nous allons à la mer, à l’océan, sans penser à rien d’autre qu’à notre enfant qui saigne.





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