
comme malheur et joie sont proches et comme l’on peut vouloir se sauver
et de l’un et de l’autre
vivre n’est pas parcourir une étendue ou une plaine, mais tomber dans une pliure
comment peut-on ainsi confondre la montagne et la plaine ?
qu’a-t-elle cette route pour nous sembler bien droite alors qu’elle n’est qu’un canyon ?
cet homme qui marche sur un long chemin
qui porte sur ses épaules un poids lourds
qui croit avoir traversé une plaine horizontale et grise
et qui courbe le dos
cet homme tout sa vie craindra de laisser son bagage
il s’y est confondu
il pense : « qu’ais-je mis dans cette valise ? »
(c’est que le temps est passé jusqu’à sa nuit et que sa mémoire défaille)
il craint de s’y être mis lui-même
comment savoir alors si, abandonnant sa charge, il ne s’abandonnerait pas lui-même ?
ce qui est son corps ou ce qui est son fardeau ?
cet homme pourrait se satisfaire de toutes les solitudes
mais pas de celle de s’être laissé derrière lui
aussi ne fait-il rien et avance
parfois regardant les arbres, leurs branches noires qui fendent le ciel en deux
pour être alors avec eux, dans la sève, sur le ciel, comme une feuille
et ne portant rien
la nuit vient quelque fois dans son œil comme accompagné d’un autre
qui serait un regard
ce qu’il porte alors est son rire et, pour un temps, cela est heureux
comme cet homme se trompe
comme son effort est faux
c’est qu’il ne marche pas
il grimpe