je possède l’enfance mais tu ne l’auras pas car pour moi
oui, pour moi, moi seule, pour moi tu es
pour moi et personne, pour moi, ne peut, malgré moi,
être seul
or l’enfance te laissera amoureux contre moi
je te possède toi, pour toi seul, pour toi seul contre toi,
oui, pour toi si seul que tu peux régner
seul
sur la plaine à blanc chauffée à blanc
sur les dunes sable crissant
comme un dieu
or toi dieu tu es aimable est grand
je te veux par ce silence je t’aurais aussi seul
qu’une première lumière
dans l’obscur et l’informée
l’enfance je te la reprendrai si tu viens
récupérer son lot
puisque l’enfance est un deuil pour toi seul
isolé mon île isolée
isolé sans moi je ne veux pas
savoir que tu as été sans moi
existant factice
je te tiendrai toi seul en moi seule pour nous
dans l’entrebâillement
là où le dieu se tient
avant d’entrer sans frapper
dans la chambre du monde
s’il le faut je tuerais la jeunesse qui t’accompagne
il te faudra des rides mon amour
mon amour il te faudra des tempes de craie
sèches et sans mémoire
rugueuses sous mes doigts fins
ma pensée suffira pour nous deux je pense
mieux que tu ne penses
mieux que tu ne rêves
mieux que tu ne peins
j’écrirai
mieux que tu ne crois
mieux que tu ne vois
mieux que tu ne sois
qu’un dieu solitaire
car je te veux ainsi
(Agathe D. à Federico Olivio D., septembre 19**, vingt-deux ans avant sa mort)