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pense
penses-y le simple évènement le simple évènement de la ressemblance ce simple évènement là cette ressemblance-là ici ce simple évènement la ressemblance qui qui a lieu ici cet évènement qui n’a lieu pas ailleurs la ressemblance qui n’a ce simple évènement de la ressemblance qui n’a pas lieu simplement là ce simple rapprochement ces évènements qui n’ont lieu ce simple évènement cette évidence qui veut ici penses-y |
Mois : juin 2021
Ce n’est pas la même chose
Ce n’est pas la même chose, l’orage, que d’être triste ou que d’être abandonné. Ce n’est pas la même chose d’écrire dans le silence ou d’écrire dans l’étouffé. Ce n’est pas pareil d’avoir le message rangé dans sa poche ou posé sur sa langue, de mâcher les billets doux ou bien de les cracher. Comment écris-tu puisque ce n’est jamais la même chose ? S’il t’arrive de parler à voix haute, souvent, c’est aussi dans ton ventre, dans ton cœur, dans ta tête que la parole va se nicher. Rien. Ce n’est pas la même chose d’être sur le point de le dire ou de l’avoir nommé. Ce n’est pas pareil la tempête ou la poussière qui se soulève.
Meringue et transcendance
Quand j’avais dix-huit ans, je touchais facilement la transcendance du doigt. Elle était disposée devant moi sur l’étal des idées et je la choisissais bien molle, bien mûre et bien juteuse. De tous les fruits de la pensée, la transcendance était le plus sucrée et le plus délicat. Il n’était pas difficile de digérer le transcendant et je l’expulsais souvent sous forme de gaz à mes interlocuteurs réels ou fictifs dans de longs monologues audacieux que j’imaginais environné de silence.
Maintenant, la transcendance me fait l’effet des meringues que je mangeais enfant et qui m’écœurent aujourd’hui. Le silence et les nuées, le crépuscule et l’éternel, tous les bagages du mystère à emporter, toutes les affaires métaphysiques me sont indifférentes. C’est l’âge, dit-on, qui fait pourrir en soi le désir des hauteurs. Nous vivons dix, vingt, trente ans dans un monde plat. La verticale des choses n’est pas notre étalon. Nous brisons les barreaux de l’échelle de Jacob.
Demain, je me courberai comme un vieux dans un jardin fleuri. J’arracherai les ronces et les orties du petit chemin de pierre. Lente et longue descente jusqu’à l’élémentaire comme on tombe dans un puits.
Orphelines
deux dames se plaignent d’avoir attendu « une heure et demi sans pain » l’arrivée de leur plat
avant cela elles n’avaient pas bougé
ni signalé au serveur leur présence et l’oubli
c’est d’un coup qu’elles se sont plaintes
d’avoir été laissées
toujours d’un coup on se souvient
qu’on est abandonné
dans la rue
à la table
n’importe où
dans notre gorge brusquement
le goût
d’un monde abandonné
pas seulement seul
mais orphelin
le serveur s’excuse
mais cela ne sert à rien
on ne peut racheter une heure
ou dix ans d’abandon
par l’excuse ou le pardon
Comme si
comme si je n’avais pas oublié d’avoir faim
comme si je n’avais pas oublié d’avoir mal
comme si la soif n’ouvrait plus ma bouche
comme si la mort ne baignait plus mes seins
comme si je n’oubliais pas d’avoir le ventre bien ouvert
comme si je ne sentais pas mon ventre bien ouvert
comme si je ne pleurais pas mon ventre bien ouvert
comme si je ne perdais pas mes forces
comme si ma force était infinie
comme si je voyais le jardin
comme si je regardais encore le jardin
comme si je ne clignais pas des yeux
comme si je n’avais pas mordu ma joue
comme si le sang ne coulait pas
comme si les coups ne venaient pas
comme si je n’avais pas mes tempes rouges
comme si le temps ne passait pas
comme si je n’entendais pas le bruit
comme si le bruit m’attendait derrière la porte
comme si la porte n’était pas close
comme si la porte n’était pas derrière moi
comme si je n’étais pas aveugle
comme si je n’avais pas la bouche sèche
comme si je n’avais pas le ventre bien ouvert
comme si je ne sentais pas mon ventre déchiré
comme si je n’étais pas déchiré
comme si le vent passait
comme si la fenêtre était entrouverte
comme si je t’endentais encore
comme si je te savais encore là
comme si je n’écoutais pas mon cœur
comme si mon cœur ne battait pas
comme si je n’avais rien perdu
comme si je n’étais pas abandonné
comme si je n’avais pas envie de dormir
comme si je croyais encore au sommeil
comme si je n’avais pas griffé ma paume
comme si je ne t’avais griffé
comme si je ne t’avais frappé
comme si tu n’avais pas frappé
comme si je n’avais pas froid
comme si ma langue n’était pas morte
comme si je n’avais pas faim
comme si mon ventre n’avait pas faim
comme si mon ventre n’était pas vide
comme si mon ventre n’était pas vide
comme si mon ventre n’était pas vide