D. est mort dimanche dernier.
L’administration a organisée pour l’occasion ce que vous autres à l’extérieur vous appelez « funérailles » et que nous autres à l’intérieur nous ne nommons plus, par lassitude.
Quand un gardien d’une certaine importance meurt tué par l’un d’entre-nous, alors nous sommes convoqués dans la cour et après avoir exécuté le coupable, qui est systématiquement découvert, nous observons une minute de silence, tête baissée, devant le poteau où flottait autrefois le drapeau, qui a aujourd’hui disparu et qui n’a jamais été remplacé faute de moyen.
Pour vous autres, les « funérailles » sont ces cérémonies qui rendent un honneur SUPRÊME aux morts. Pour nous autres, les « funérailles » sont ces cérémonies qui rendent un déshonneur SUPRÊME aux vivants.
La mort ici est à éviter, si tu veux mon avis.
Chez toi, il est aisé de se glorifier dans la mort. Tout le monde embrasse le bois du cercueil et on te recouvre de colliers de fleurs comme si tu arrivais sur une île polynésienne. Ici, CE N’EST PAS PAREIL.
Quand l’un de nous meurt, gardien ou prisonnier, sa situation est administrativement réglée et devient DEFINITIVE.