29.10.22

Le soir, les ombres de Harlem sont nettes, franches, découpées.

Généralement, à part dans les bars branchés de Greenwich Village ou de Brooklyn, les ombres new-yorkaises sont de ce noir mat que fabrique les lumières blanches et crues des néons. Dans la nuit, beaucoup de choses sont blafardes à New-York : les phares des grosses voitures américaines, les gyrophares épileptiques des véhicules d’urgence, les enseignes des magasins.

Par flashs brusques et violents, les silhouettes new-yorkaises sont collées sur la chaussée.

Par contraste, le noir franc de certaines obscurités new-yorkaise me surprend. Je me suis habitué à Paris et à ces camaïeux. La nuit parisienne n’est pas souvent d’un noir complet. Et, quand la nuit habite une rue, à Paris, c’est souvent par lente dégradation de la lumière, lente apparition.

Ici, au contraire, d’une rue à l’autre, le monde peut devenir noir. Il faut croire qu’ici même la lumière fonctionne par angles droits.

*

Notre logement est un appartement au rez-de-jardin d’un brownstone d’un quartier pauvre du Bronx et d’un des plus pauvres de New-York : Mott Haven.

De larges trottoirs jonchés de détritus. La nuit, aspergée de lumière aigue, nous faisons le chemin qui va du métro jusqu’à chez nous. Des groupes, installés ici et là, écoutent de la musique latino-américaine autour de grillade. Des hommes hagards, ivres ou drogués, passent en agitant les bras. Le ciel est de ce bleu qui teintait autrefois les ciels nocturnes des enluminures médiévales. Nuit américaine.

Le quartier est bordé par deux énormes autoroutes et, outre les brownstones alignés sous les arbres des rues adjacentes, les avenues sont à l’ombre d’énormes cubes de briques rouges où vivent la plupart de ceux que nous croisons.

Au comptoir d’un fast-food, une femme nous souhaite la bienvenue à New-York. « Tant que vous évitez le Bronx, tout va bien » nous dit-elle. « En fait, nous dormons à Mott Haven » dis-je. « Oh mon dieu… ! » fait-elle, et, après un temps : « Bon…tant que cela vous plait ! ».

Ici, comme ailleurs, la grande pauvreté borde la grande richesse. A quelques stations à peine, les familles bourgeoises d’Upper East Side reviennent d’une séance shopping en limousine.





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