Les cours de philosophie – vingt-huitième lettre

Les cours de philosophie – vingt-huitième lettre.

Pour se conformer à l’idéal républicain de la réinsertion sociale, l’administration pénitentiaire décide régulièrement de cesser de nous frapper au ventre et met en place des cours du soir auxquels doivent assister, à tour de rôle, les prisonniers.

En raison du manque de moyen inhérent aux institutions publiques a été mis en place un ROULEMENT afin que l’ENSEMBLE DES DETENUS puisse assister à un cours.

J’assiste donc irrégulièrement au cours de philosophie du Dr. Stroll (qui tient beaucoup à son statut de Dr.).

Les cours de philosophie du Dr. Stroll n’inoculent pas chez nous autres les prisonniers le dangereux poison de la liberté, les dangereuses toxines de la pensée, mais sont une homéopathie carcérale avec ingestion de principes moraux supérieurs distillés dans de longs monologues scolastiques.

Le Dr. Stroll a été « planté », comme nous autres les prisonniers nous nommons l’acte qui consiste à enfoncer le plus profondément possible des ciseaux dans la chair de la pensée, deux fois par F., qui était professeur des universités avant de devenir résistant des universités.

F. est au mitard depuis qu’il a bousculé Dr. Stroll avec de trop insistantes questions sur Beccaria et les rats de la cellule 432.