4° 36′ 36″ n, 74° 04′ 55″ o – 2554 m – Parque Mirador de los Nevados
Lu au parc, très tard, Giono :
« La lune fait de Gagou un être étrange. D’instinct, à présent qu’il est sur le territoire de la sauvagine, il a pris l’allure inquiète et rasée d’une bête. Il a courbé sa longue échine ; le cou dans les épaules, il va la tête penchée en avant, ses grands bras pendant jusqu’au sol comme deux pattes. Ainsi, il est doublé d’un monstrueux quadrupède d’ombre qui bondit à ses côtés. Il module toujours son cri chantant. Parfois son pas prend encore l’allure d’une danse ; sa voix, alors, s’éparpille, plus aigre et plus joyeuse. »
Déroute et voyage ne se séparent que d’un rien, peuvent se rejoindre du jour au lendemain, l’un aller à l’autre : ce n’est que de la marche. Gibraltar, Casablanca, Alaska sont collines sans bêtes autour du mirador et je m’y suis entêté ce jour pour retrouver Silvia. Sur les 9h vient un vendeur de tout jusqu’à mon banc et s’y assoit, ne dit rien, cela pendant une heure, et repart : son vêtement, son regard, son tabac collent à la colline autant qu’à la peau. J’ai pensé pour la dernière fois : « pas là pour ça » à 22h et aux reproches d’Acacia. Là pour rien. Bête monté en haut de la plus haute des tours de la plus haute des villes de la plus haute des terres, pour rien.
Tout a été réformé : et l’ombre, et le temps, et les fleurs, et les veines, et le pouls, et le ventre urbain, et le café broyé, et l’alcool arracheur de langue, sous ces toits est du remous. Au sommet sont 13 colonnes devant la ville. Cadran anti-horaire et pins. Le feu d’en haut est semblable à la mer, ou plutôt la fumée, la longue tirée des fumeurs du dessous remonte dans le parc. Les cris d’hommes depuis là font vraiment cri d’animal.
Lu, ou écrit, impossible à dire :
« Après la colline c’est la Maison, domaine d’Arturo, et trois fenêtres y grésillent, électriques, et y grésilleront jusqu’à la fin des temps. Le chemin passe en contrebas du jardin et les audacieux cueillent les mirabelles sur la branche qui dépasse, mais ils sont peu nombreux et si craintifs qu’ils ne s’en vantent pas. Les champs d’Arturo descendent à la vallée en calques vert brut, vert olive, vert pomme, olivier et maïs sans eau. Passant sur ce chemin, une rivière qui n’a pas été détournée et qu’on a accepté moins par fatalisme que par politesse : ceux qui descendent du pic au village arrivent tous les pieds humides et froids, ils grelottent et boivent bruyamment le café chaud. »
Retour à l’opéra et cantiques, insectes. Deux camés brûlent du papier calle 76. Trois jours à combler. Trou à remplir, sans colère, jusqu’à l’évanouissement. L’aboiement des chiens a remplacé le vent.
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